Les recettes diplomatiques [ro]

La gastronomie française a toujours assuré un grand apport à l’action diplomatique de la France. Par exemple, en 1890, le journal Bucarest publiait un article consacré à la somptueuse réception du 14 juillet, organisée à la légation de France à Bucarest.

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Extrait du journal Bucarest n° 145, paru le 14 juillet 1890

Le 14 juillet à Bucarest

Hier, fête nationale de la France, M. de Coutouly, le sympathique représentant de la République parmi nous, a reçu de nombreuses visites et de nombreux télégrammes de tous les points de la Roumanie. M. Al Lahovary, ministre des affaires étrangères, lui a porté les félicitations du gouvernement et les siennes ; M. Pake Protopopesco, maire de Bucarest, lui a rendu visite au nom de la ville. Les membres du corps diplomatique se sont également rendus à la légation de France, ainsi que M. Algiu, préfet de police et un grand nombre de Roumains appartenant à toutes les classes de la société, qui ont saisi cette nouvelle occasion pour témoigner les sympathies qu’ils ont pour la France. […]
Le jardin était décoré avec beaucoup de goût et pavoisé de drapeaux français et roumains, entrecroisés sur les écussons des deux pays. Trois immenses tables richement servies se dressaient au milieu de ce décor. M. Gillet, qui a la spécialité des banquets du 14 juillet, et qui s’en acquitte toujours à l’honneur de son excellente cuisine, s’est surpassé cette année. Qu’on en juge par le menu.

Menu du 14 juillet

Potage printanier
Petites bouchées à la parisienne
Esturgeon, sauce mayonnaise
Filet de bœuf à la provençale
Haricots verts façon maître d’hôtel
Rôtis
Dindonneaux, canetons, roastbeef
Gigots pré-salés
Salade verte
Parfait au café
Fromages - Fruits
Café
Vins
Dragashani blanc
Château Laffitte
Champagne

Mais n’anticipons point.
A sept heures et demie, les convives étaient au complet. M. le ministre de France est arrivé un peu après. Pour donner plus de relief à sa présence et bien marquer que l’on avait là, dans ce coin de Roumanie, une image en miniature de la France – si je puis m’exprimer ainsi –, M. de Coutouly avait revêtu son grand uniforme et portait en sautoir le grand cordon de la Couronne de Roumanie. A son entrée, tout le monde se lève et la musique joue la Marseillaise. M. le ministre s’entretient avec quelques personnes, puis l’on se met à table. M. de Coutouly a M. Hommaire de Hell à sa droite et M. Tassain, président du cercle français, à sa gauche. M. Sicard, président de l’œuvre de l’école française, était assis en face du ministre.

Les appétits étaient à la hauteur de la situation, comme dirait l’inimitable Claymoor, et pendant quelques minutes la symphonie des fourchettes, – encore une expression chipée à Claymoor a seule alterné avec l’excellente musique qui a fait entendre ses meilleurs morceaux pendant le banquet. Au dessert, quand le champagne commence à couler à flots – Claymoor, je te dévalise –, la série des toasts commence aussi. M. Tassain, président du cercle français et vice président de l’œuvre de l’école française, prend le premier la parole, et boit à M. Carnot, Président de la République.
M. de Coutouly se lève à son tour et s’exprime ainsi.

Mes chers compatriotes,
Au nom du gouvernement de la République et de sa légation en Roumanie, je vous félicite et je vous remercie. Je vous félicite d’avoir conservé toute l’ardeur de votre patriotisme, toute la vigueur de votre foi aux destinées de la France. […] C’est toujours pour moi une agréable mission d’avoir à transmettre au premier magistrat de la République et à notre gouvernement l’expression de vos sentiments et de vos vœux. Je ne manquerai pas de le faire dès cette nuit, pour la cinquième fois depuis qu’il m’est donné de vivre au milieu de vous, et je puis vous assurer que la grande affluence de témoignages d’amour et d’espoir qui, le 14 juillet, s’envolent de toutes parts vers la France, le message qu’envoient à la mère-patrie ses enfants de Bucarest n’est pas un des moins remarqués. En ma qualité de représentant du gouvernement de la République, j’aurai tout à l’heure le plaisir de boire à la prospérité de votre honorable et laborieuse colonie. Mais vous voudrez bien me permettre de dire auparavant combien nous éprouvons de reconnaissance et d’affection, non seulement pour les amis Roumains qui ont bien voulu s’associer à notre fête nationale, soit en prenant part à ce banquet fraternel, soit en m’apportant eux mêmes ou en m’envoyant par le télégraphe des paroles de précieuse sympathie, mais aussi pour la Roumanie tout entière, pour son gouvernement et pour ses augustes souverains.

Buvons, messieurs,
A LL. MM. le roi gt la reine,
A S. A. le prince héritier,
Au gouvernement royal,
Au peuple roumain !

Des applaudissements accueillent ces paroles et l’on boit à la famille royale et la Roumanie. M. de Coutouly fait ensuite part à ses compatriotes des nombreuses marques de sympathie qu’il a reçues pour la France dans la journée et, parlant des félicitations du corps diplomatique, il dit : "Je dois vous faire connaître que la première visite que j’ai reçue a été celle de S. E. M. Hitrovo, ministre de Russie, qui s’est exprimé dans les termes les plus chaleureux pour notre pays." Des applaudissements saluent cette communication et l’on crie avec force :
— Vive la Russie !

Après ces communications, M. de Coutouly exprime la reconnaissance de la colonie aux personnes qui lui ont témoigné de la sympathie, puis il reprend : "Et maintenant que nous nous sommes acquittés de ce devoir agréable, c’est en votre honneur, mes chers compatriotes, que je vais vider mon verre. Puissent toutes les entreprises de notre excellente colonie prospérer comme elles le méritent, notamment la plus intéressante à coup sûr, celle de notre future école ! Puissent aussi prospérer les entreprises particulières de chacun de ses membres, et se développer de même, en dépit des courants passagers et des coups de vents fâcheux, les relations d’affaires qu’elle s’efforce de maintenir entre ce pays et le nôtre ! Vive la colonie française de Bucarest !"

De longs applaudissements accueillent le toast du ministre de France, pendant que la musique joue la Marseillaise. M. Briol prononce ensuite un discours plein de mouvement et débordant de patriotisme. […]


Consultez le menu du 14 juillet 1890
Potage printanier
Petites bouchées à la parisienne
Esturgeon, sauce mayonnaise
Filet de bœuf à la provençale
Haricots verts façon maître d’hôtel
Rôtis
Dindonneaux, canetons, roastbeef
Gigots pré-salés
Salade verte
Parfait au café
Fromages - Fruits
Café
Vins
Dragashani blanc
Château Laffitte
Champagne

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Dernière modification : 18/03/2021

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